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Ce vase de Léon Pointu, éminent céramiste français de l’école de Carriès basé à Saint-Amand-en-Puisaye, présente une forme ovoïde allongée, incarnant un équilibre harmonieux entre élégance et simplicité. La pièce est habillée d’un émail noir satiné, offrant une surface lisse et sophistiquée qui capte subtilement la lumière. Ce fond noir profond est magnifiquement contrasté par une couverte claire appliquée depuis le col du vase, créant un effet visuel saisissant de coulures naturelles. Ces coulures semblent se répandre progressivement sur le corps du vase, ajoutant une dimension de mouvement et de fluidité à l’ensemble. Cette combinaison de couleurs et de textures illustre parfaitement la maîtrise technique et la sensibilité esthétique de Léon Pointu.
La couverte claire de ce vase présente une texture dite “peau de serpent”, caractérisée par un aspect légèrement craquelé. Ce craquelé délicat, évoquant les écailles fines et régulières d’un serpent, enrichit la surface du vase d’une complexité tactile et visuelle. Cette technique particulière témoigne du savoir-faire raffiné et de l’innovation des céramistes de l’école de Carriès dans l’application des glaçures.
Œuvres en relation :
Léon Pointu est né en 1879 à Fontainebleau où son père Jean Pointu avait une fabrique de céramique. C’est donc dans un environnement entièrement dédié à la production céramique qu’il grandit et se forma auprès de son père. Celui-ci délaissa la production industrielle de céramique et s’installa en 1906 à Saint-Amand-en-Puisaye, attiré par le foisonnement artistique qui y régnait depuis l’installation de Jean Carriès et à la suite de nombreux potiers suivant son modèle. L’influence japonisante s’incarne dans son œuvre à travers les formes, les décors qui rappellent l’esthétique du chanoyu, la cérémonie du thé. L’exigence de la simplicité japonaise marque l’œuvre de Jean Pointu qui se différencie cependant des potiers de l’école de Carriès par une volonté de maîtriser les formes et le processus. C’est en effet un praticien expérimenté et exigeant lorsqu’il arrive à Saint-Amand âgé de 63 ans et il ne laisse aucune place au hasard. Il choisit avec soin ses terres comme ses ouvriers, tourneurs, anseurs qui ont travaillé avec les plus grands. L’art de Jean Pointu se caractérise par la superposition des couches d’émail mat qui font vibrer la glaçure à la surface de vases aux formes fluides qui laissent entrevoir un grand souci de la perfection.
Léon Pointu se forme auprès de son père et devient son collaborateur après avoir effectué son service militaire. Si durant la période d’activité de son père son art ne se démarque pas de celui-ci, il commence à prendre un tour qui lui est propre en 1921 lorsque son père se retire et plus encore après sa mort en 1925. Les formes s’agrandissent, les couleurs s’affirment et de véritables nouveauté émergent dans l’art de Léon Pointu comme les cascades qui dégoulinent, épaisses depuis l’épaulement et qui prennent de l’épaisseur allant jusqu’à imiter la peau de serpent. Dans les années 30, influencé par Lucien Brisdoux, Léon Pointu fait arborer à ses vases des motifs réticulés ou ocellés de nuages et de coulures d’or ou de platine parfaitement maîtrisées sur des fonds sombres ou bleutés. Il se rattache cependant à l’art de son père à travers sa volonté de maîtrise, sélectionnant avec soin ses terres ou ses émaux qu’il fait venir de la maison l’Hospied à Golfe-Juan qui collabore étroitement avec la famille Massier.
Léon Pointu consacre une exposition à son père au Salon de 1928 et meurt en 1942. Sa production poursuivie par son épouse et son fils s’arrête en 1947 lorsque son atelier est transformé par son fils Michel Pointu en une entreprise de vaisselle industrielle.
La céramique de Léon Pointu s’inscrit dans l’école de Carriès qui s’est installée à la suite de Jean Carriès à Saint-Amand-en-Puisaye, centre de production de grès depuis le Moyen Âge.
Son fondateur, Jean Carriès (1855-1894) l’avait choisi pour la qualité de ses terres et de ses artisans potiers auprès desquels il apprit le métier du grès. Sculpteur doué et portraitiste renommé et triomphant du Paris des années 1870-80, il avait décidé de rompre avec la sculpture pourtant au sommet de son art en 1878 en visitant l’exposition universelle de Paris, après avoir assisté à une cérémonie du thé. Subjugué par la beauté, la pureté et la profondeur spirituelle des ustensiles en grès japonais il décida de consacrer sa vie au grès ce « mâle de la porcelaine ». La présentation de collections japonaises comme celle d’Emile Guimet lors de l’Exposition universelle de Paris en 1878 a beaucoup fait pour la diffusion de l’esthétique japonaise dans l’art français et particulièrement dans les arts décoratifs comme la céramique. Codifiée au XVIème siècle par Sen no Rikyu, la cérémonie du thé concentre l’essence d’une esthétique japonaise ritualisée à la recherche de la perfection qui fascina les artistes de la fin du XIXème siècle par son rapport à la nature et son acceptation de l’intervention de celle-ci dans la création artistique. Carriès y adjoignit des références symbolistes à la nature dans la création d’un bestiaire fantastique en grès quand Jean Pointu s’intéressa plus à la puissance évocatrice des superpositions d’émail mat comme dans sa création d’une glaçure fourrure de lièvre d’une grande suavité. L’emploi de l’or, des coulures, des émaux mats eurent une grande importance dans la création d’une esthétique art nouveau puis art déco au sein des arts décoratifs. Mais l’influence du Japon fut également déterminante dans la conception d’un artiste-artisan et d’un art total tel qu’il émergea au tournant du siècle.
P. Monjaret & M. Ducret, <em>L’école de Carriès, l’art céramique à Saint-Amand-en-Puisaye 1888-1940</em>, Paris, Les éditions de l’amateur, 1997
http://www.grespuisaye.fr/index.html