Amedeo Modigliani

Ce grand dessin d’Amedeo Modigliani représente une tête de femme de profil au port altier. Elle porte un collier et des boucles d’oreilles. Sa chevelure est maintenue par un imposant chignon formant une frange sur le haut du front. L’ensemble de la chevelure, du visage et du cou est souligné par un épais contour réalisé au crayon gras faisant ressortir le profil élégant de cette tête de femme.

Ce dessin est l’une des 25 têtes que l’on voit de profil gauche et qui sont présentées dans le livre Modigliani Unmasked.
Il fait partie d’une collection plus vaste de quelques 95 dessins de tête de la collection Paul Alexandre que Modigliani a réalisés comme études pour les têtes sculptées qu’il créait à cette époque.
Il se place dans la série de têtes réalisées entre 1910 et 1914 dans un style sculptural comprenant notamment des cariatides inspiré des statues archaïques et des vases grecs mais également des masques africains et de leur schématisation ainsi que des têtes sculptées khmères qui avaient fasciné Modigliani lorsqu’il les avait découvertes en compagnie du docteur Paul Alexandre au musée indochinois du Trocadéro où elles étaient exposées alors. La schématisation du et la finesse du trait sans repentir sont tempérés par le contour épaissi qui semble créer un cadre fluide au mouvement de la figure.

Entre 1910 et 1914, Modigliani se passionne pour la représentation de cariatides et de têtes sculpturales et géométrique dans ses dessins. Celles-ci sont liées avec l’intérêt que l’artiste développe pour la sculpture à partir de 1909 sous l’influence notamment de  Constantin Brancusi dont le système de forme géométrique des visages influece Modigliani. Celui-ci dessine beaucoup de ces cariatides et têtes sculpturales qui lui servent d’épures avant de passer à la taille directe.

L’influence des sculptures khmères dont les chefs-d’oeuvres aujourd’hui au musée Guimet sont alors exposés au Palais du Trocadéro, est forte chez l’artiste qui est impressionné par la pureté schématique et géométrique des visages pourtant souriants. La lourdeur charnelle de ces sculptures accentue la finesse de l’expression du visage. De même l’art africain dont les masques sont une source inépuisable d’inspiration pour l’avant-garde artistique de l’époque marque son influence à travers la force de son primitivisme et de sa puissance évocatrice.
Mais ce que Modigliani recherche ce n’est pas l’aspect religieux ou mystique de ces oeuvres, mais bien le côté plastique, l’expression épurée de la ligne et des proportions efficaces et immédiatement compréhensibles.

Ces oeuvres s’inscrivent également dans un renouveau néoclassique qui annonce avec beaucoup d’avance les redécouvertes des années 20 et 30 à travers leur hiératisme et leur catalogue de formes géométriques simples. Le vocabulaire du visage se standardise : le triangle du nez marque l’axe symétrique, le trapèze du cou est un socle, l’ovale du visage la toile des expressions et l’ovale vide des yeux le miroir de l’âme, quand le perlé du collier et les vagues des mèches évoquent les frises décoratives de l’architecture grecque. Le thème même des cariatides est un hommage à l’Antiquité gréco-romaine qui voyait dans cette figure architecturale de la femme remplaçant la colonne un hommage aux femmes nobles de Carya ville du Péloponnèse, réduites en esclavage dans leurs plus beaux atours.

Ce dessin peut être rapproché de plusieurs sculptures de tête de femme  réalisées par Modigliani comme par exemple celle actuellement conservée à la National Gallery of Art de Washington.

Dans le coin inférieur gauche figure le tampon de collection du docteur Paul Alexandre et la numérotation 20,2
Mise en valeur dans un cadre noir a reflet doré l’œuvre est présentée dans un montage de conservation et vitre de protection anti-UV (Perspex). Le passe-partout laisse apparent les bords de la feuille.
A l’arrière du montage sont collées différentes étiquettes relatives aux expositions ayant présenté ce dessin de Modigliani.