Amedeo Modigliani

Nu féminin – dessin – Amedeo Modigliani

Amedeo Modigliani

Femme nue allongée sur le côté la tête appuyée sur la main gauche

Date : vers 1908

Dimensions : H : 20 cm ; L : 31 cm

Lieu de production : Paris ( France )

Matériau : Fusain sur feuille de papier

État : Très bon état

Références : Musée d’art moderne de Paris, Metropolitan Museum of Art de New York, Centre Pompidou Paris, Musée d'Art Ohara, Kurashiki Japon;

Conditions & disponibilité: Oeuvre encadrée.

Description

de l'oeuvre

Femme nue allongée sur le côté la tête appuyée sur la main gauche

Présenté dans le livre Modigliani inconnu, ce dessin est issu d’une série de 52 études de nus et daté de 1908.
Il représente une femme allongée sur son côté gauche, la tête nonchalamment relevée et appuyée sur son bras.
L’oeuvre est un croquis vigoureux qui présente un premier tracé grisé renforcé par un trait noir franc qui simplifie la forme. Les lumières et les ombres sont suggérées de façon très efficaces et simples par quelques hachures derrière la tête et des traits énergiques donnant mouvement à la chevelure. Si le visage est représenté, c’est surtout le mouvement suave et tout en courbes et contrecourbes du corps qui occupe l’artiste, les mains et les pieds n’étant même pas suggérées. De même, un seul sein est représenté quand l’autre n’est que suggéré.

L’oeuvre est caractérisée par la rapidité de la captation des formes du corps qui correspond à son contexte de création. En effet, vers 1908, Modigliani fréquentait l’Académie Ranson à Montmartre qui proposait des séances de pose libres et courtes de modèles qui ne dépassaient pas les dix minutes. Le trait est donc nerveux, recherchant la simplification et combine le réalisme des débuts de l’artiste, influencé par Toulouse-Lautrec, avec une certaine forme de schématisation accentuant certaines formes pour attirer le regard vers les parties constitutive du nu féminin. Ainsi le sein presque iconographique est-il le point focal d’un corps ondulant entre des fesses proéminentes et un visage relevé par son appui sur le bras. L’oeuvre recherche un maximum de vérité à travers une économie de moyen.

Si l’étude se focalise sur la représentation du corps tel qu’il est, on sent encore une grande influence de l’expressionnisme d’un Munch par exemple et l’on peut rapprocher ce dessin du Nu souffrant, premier grand nu peint par Modigliani en 1908, la même année que ce dessin.

 

Cependant, le style pictural linéaire et curviligne que développe dès 1908 Modigliani porte en germe l’essence de ses oeuvres futures. Le trait recherche une pureté idéale, le cou s’allonge et les courbes tendent à se composer de lignes tangentes. Le nu de Modigliani s’éloigne de l’académisme et, influencé par la statuaire grecque archaïque, l’art primitif ou le maniérisme de la Renaissance, n’a pas peur de l’allongement et de la déformation des corps.

On a déjà dans ce nu les germes de la peinture des nus de 1916-1917 qui feront scandale lors de leur exposition chez Berthe Weill en 1917.

Comme les autres dessins constituant les 438 feuilles de la collection Paul Alexandre, cette oeuvre porte en bas à gauche le cachet de la collection Alexandre apposé en 1960 par Noël Alexandre sous la direction de son père Paul Alexandre ainsi qu’un numéro au stylo noir, le numéro 4.17 qui correspond au numéro d’ordre donné par Noël Alexandre lors de l’établissement en 1960 du premier catalogue manuscrit de la collection de son père.

Mise en valeur dans un cadre noir a reflet doré l’œuvre est présentée dans un montage avec carton de conservation et vitre de protection anti-UV (Perspex).
Cette œuvre a été exposée à de nombreuses reprises : à New-York au Jewish Museum, à Livourne au Musée de la ville et à Vienne à l’Albertina Museum.
Acquis directement par Paul Alexandre auprès d’Amedeo Modigliani, ce dessin a été transmis par descendance à l’actuel propriétaire.

Amedeo Modigliani dessin de nu féminin allongé de l'ancienne collection du docteur Alexandre
Amedeo Modigliani - Dessin d'un nu allongé datant de 1908 dessin au fusain

Le bonheur est un ange au visage grave. Amedeo Modigliani - le 6 mai 1913

LIVOURNE (FRANCE) 1884 – PARIS (FRANCE) 1920

Figure emblématique de l’artiste complet de la Bohème parisienne des années 1910, Amedeo Modigliani est un des artistes les plus importants de l’Avant-Garde du début du XXème siècle à travers ses peintures, ses sculptures, mais surtout ses dessins épurés et synthétiques qui reflètent tout son art et l’ensemble de sa trop courte carrière.

Né à Livourne en Toscane d’une famille juive et commerçante le 12 juillet 1884, Amedeo Modigliani est un enfant maladif mais très tôt irrésistiblement attiré par l’art. Touché par la typhoïde et la tuberculose, il passe de nombreuses fois près de la mort ce qui convainc sa mère de le laisser entreprendre des études artistiques auprès du peintre livournais Micheli et l’incite à emmener Modigliani adolescent se refaire une santé dans le sud de l’Italie. Entre 1900 et 1902, il séjourne à Naples, Capri, Florence et Rome où il se noie dans les Antiques qui émailleront son oeuvre dessinée et sculpturale, très marquée par l’Antiquité, comme en témoignent les nombreuses cariatides ou figures féminines hiératiques et hellénisantes qu’il dessinera par la suite.

En 1906, il s’installe à Paris et s’initie à la Bohème artistique du quartier de Montmartre qu’il fréquente à l’image de Picasso au Bateau-Lavoir. Un an plus tard il rencontre le docteur Paul Alexandre, fraîchement diplômé à l’âge de 26 ans et qui a mis à la disposition de ses amis artistes un pavillon promis à la démolition rue du Delta à Montmartre qu’il loue à la Ville de Paris. Parmi les habitués du Delta, Constantin Brancusi qui influencera le passage à la sculpture de Modigliani ou Henri Doucet qui présente le peintre désargenté et encore inconnu au docteur Alexandre. Celui-ci, immédiatement séduit, devient son principal admirateur et unique mécène. « Tout de suite j’ai été frappé par son talent extraordinaire et j’ai voulu faire quelque chose pour lui. Je lui ai acheté des dessins et des toiles, mais j’étais son seul acheteur et je n’étais pas riche. » raconte le docteur Alexandre. La pauvreté émaille la vie du peintre livournais. Alors que les artistes du pavillon du Delta s’emploient à côté de leur production à des travaux de serveurs ou de manutentionnaires pour vivre, Modigliani refuse tout travail qui l’éloigne de son art. « Il ne voulait que de son art […] c’était un aristocrate né. […] C’est qu’il avait pour l’art une passion exclusive. Pas question d’abandonner, même un instant, pour des tâches sordides à ses yeux, ce qui faisait sa raison d’être ».

Durant ces années, Modigliani crée un système de dessin spontané au trait clair et simplificateur toujours porté sur la vue directe qui synthétise les formes et tente de rendre l’essence intérieure de son modèle. Il définit ainsi son art : « D’un oeil, observer le monde extérieur, de l’autre regarder au fond de soi-même ». Il dessine énormément, répétant les mêmes traits, les mêmes modèles jusqu’à obtenir la pureté désirée du trait. De même pour la sculpture qui devient sa principale occupation à partir de 1909, il s’exerce indéfiniment par le dessin avant de passer à la taille directe. Ses sujets, sont alors ses égéries féminines, les nus, les sujets antiquisants comme les cariatides ou le monde du théâtre et du cirque qu’il affectionne et qui est très présent au Delta.

Paul Alexandre lui commande des portraits et l’inscrit en 1910 au Salon des Artistes Indépendants où il expose six toiles.

En 1914, la guerre voit la mobilisation du docteur Alexandre et la séparation des deux amis qui ne se reverront plus. Le peintre trouve alors en Paul Guillaume un nouveau mécène exclusif jusqu’en 1916 où Léopold Zborowski, un poète polonais, devient son marchand et son agent. Il rencontre en 1917 Jeanne Hébuterne, jeune étudiante en art, qui devient sa dernière muse, inspire sa série de grands nus et de qui il aura une fille, Jeanne. Rongé par l’alcool et la tuberculose, il s’éteint à l’hôpital à Paris le 24 janvier 1920 à seulement 35 ans. Désespérée, Jeanne Hébuterne se donne la mort deux jours plus tard et rejoint sa dépouille dans une tombe commune au Père Lachaise.

Si 80% des 337 peintures de Modigliani ont été réalisées entre 1914 et 1919 et sont représentatives du style de la fin de vie de l’artiste, les dessins réalisés tout au long de sa carrière représentent mieux l’ensemble de l’oeuvre de cet artiste complet.

L'oeuvre

dans son contexte

Modigliani avait la passion du dessin, un besoin de créer, de passer par le crayon, le fusain, l’encre pour transmettre ses émotions, sa recherche du beau universel. Je suis riche et fécond de germes et j’ai besoin de l’oeuvre écrivait-il en 1901 à son ami Ghiglia. Parmi les nombreux dessins de la collection Paul Alexandre, l’essentiel des oeuvres se focalise sur le corps et pour beaucoup sur le nu qu’il soit schématique comme les Cariatides ou plus réaliste comme ici.

À travers l’étude du corps nu (essentiellement féminin), Modigliani développe un style pictural linéaire et curviligne à la recherche de la pureté du trait et de la beauté idéale sans pour autant se détacher de la réalité du corps. Modigliani travaille des heures à étudier le nu face au modèle, mais aussi le soir à recomposer ses dessins, recommençant encore et encore un dessin jusqu’à l’obtention d’un trait pur qui le satisfasse.

Quand une figure hantait son esprit, il dessinait fiévreusement avec une rapidité inouïe, ne retouchant pas, recommençant dans une soirée dix fois le même dessin à la clarté d’une bougie, jusqu’à ce qu’il ait obtenu le contour désiré dans un jet qui le satisfasse. D’où la pureté et la fraîcheur incomparable de ses plus beaux dessins, rapporte le docteur Paul Alexandre.

Le style rapide à la recherche de la simplification du trait et son jet sur le papier de ces dessins provient de leur réalisation lors de séances de pose libres et rapide à l’Académie Ranson que fréquentait Modigliani afin d’étudier le nu sans avoir à payer un modèle.

Nu au sofa (Almaïsia), 1916, 81 × 116 cm, coll. privée.
Nu au sofa (Almaïsia), 1916, 81 × 116 cm, coll. privée.

Dès son arrivée à Paris, Modigliani s’était rapproché d’écoles proposant des séances de pose et rompant avec l’académisme des Beaux-Arts comme l’Académie Colarossi rue de la Grande Chaumière qu’il fréquenta à partir de 1906. Cette académie fondée en 1870 par le sculpteur italien Filippo Colarossi proposait un alternative aux Beaux-Arts jugés trop rigides. De nombreux jeunes artistes hommes et femmes venaient y étudier le nu dans des poses libres, instantanées et rapides. Jeanne Hébuterne y étudia à partir de 1917 et c’est d’ailleurs juste à côté de cette école, au 8 rue de la Grande-Chaumière qu’elle s’installa avec Modigliani et y vécut jusqu’à leur mort respective.

L’Académie Ranson était l’autre établissement fréquenté par Modigliani à partir de 1908 et d’où proviennent sans doute ces dessins. Comme l’Académie Colarossi, l’Académie Ranson proposait des modèles alternant les poses courtes de 10 à 15 minutes, obligeant les artistes à saisir l’esprit de la pose et à se concentrer sur l’essence du corps. Modigliani y excelle, proposant plusieurs dessin pour une même pose et s’appliquant à chaque fois à aller plus loin dans la recherche de simplification de la ligne juste.

Ce faisant il se concentre sur les éléments constitutifs du corps féminin, s’éloignant du simple naturalisme à travers le cadrage, il remplit la feuille avec le corps, voire l’en fait dépasser par des zooms quasi-photographiques. Mais il travaille aussi à la déformation du corps, sans tomber dans la caricature, mais s’inspirant du maniérisme de la Renaissance qui allongeait les silhouettes et déstructurait les formes.

Anna Akhmatova, une des plus grandes figures de la poésie russe du XXème siècle et qui fut l’un des modèles préférés de Modigliani exprime bien dans ses mémoires l’appropriation du corps du modèle par l’artiste.

Il disait que les constitutions féminines qui valent la peine d’être sculptées et peintes semblent toujours maladroites lorsqu’elle sont habillées. […] Je fus stupéfaite parce qu’il trouvait beau un homme notoirement laid et soutenait son point de vue avec conviction : sans doute voyait-il tout autrement que nous. Il ne m’a pas dessinée d’après nature mais une fois rentré chez lui.

Autre oeuvre d’Amedeo Modigliani : Femme nue vue de dos

Amedeo Modigliani - Dessin d'un nu allongé datant de 1908 dessin au fusain
Amedeo Modigliani - Dessin d'un nu allongé datant de 1908 dessin au fusain

sources

N. Alexandre, Modigliani inconnu. Témoignages, documents et dessins inédits de l’ancienne collection Paul Alexandre. Paris, Albin Michel, Fonds Mercator, RMN 1996. [cat. 220] 336. p.356

Cette oeuvre a été exposée au :

– Jewish Museum, New York, September 2017 – February 2018

– Museo della Citta di Livorno, 2019-2020

– The Albertina Museum, Vienne, 2021-2022

  • Metropolitan Museum de New-York –
  • Musée national d’art moderne de Paris –

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