Emile Decoeur, maître occidental de la céramique, bénéficie d’une double filiation, spirituelle et pratique, des plus illustres. Cette filiation inclut les maîtres potiers orientaux japonais, chinois et coréens, ainsi que les grands praticiens français de la céramique Art nouveau, tels que Théodore Deck et Edmond Lachenal.
Orphelin dès ses 13 ans, il est placé en apprentissage à Paris chez le grand céramiste Edmond Lachenal (1855-1948) dès l’âge de 14 ans. Lachenal, lui-même élève du renommé Théodore Deck (1823 – 1891), transmet à Decoeur un héritage artistique et technique d’une valeur inestimable.
Émile Decoeur hérite des traditions de la céramique française du XIXe et XXe siècle. Il a intégré le travail rigoureux, la perfection et l’originalité de ses prédécesseurs. Sous l’influence d’Edmond Lachenal, son mentor, il a perfectionné ses compétences à travers une formation scientifique au Conservatoire des Arts et Métiers et des cours de dessin à la bibliothèque de Forney.
Présent dans les salons majeurs tels que le Salon d’Automne, le Salon des Artistes Français, ou le Salon des Artistes décorateurs ainsi que les expositions internationales, ses œuvres sont constamment louées. Emile Decoeur est une figure éminente dans la scène artistique, associé aux mouvements de la céramique Art Nouveau et Art Déco.
Deux rencontres clés ont profondément marqué la carrière d’Émile Decoeur : la première, en 1907, avec le riche collectionneur américain Atherton Curtis ; la seconde, en 1908, avec Georges Rouart, un galeriste français réputé. Ces rencontres ont eu un impact majeur sur sa renommée internationale, confirmée dès 1910. Les œuvres d’Émile Decoeur sont aujourd’hui présentes dans d’importantes institutions muséales aux États-Unis (MET, Chicago) et en Angleterre (V&A Museum), témoignant de son rayonnement international.
Au commencement, Émile Decoeur, imprégné de l’Art nouveau et de l’artisanat japonais, évolua vers une esthétique épurée, sobre et dépouillée au cours des années 1920. Cette évolution reflétait la tendance générale de l’époque vers l’Art déco, influencée par la redécouverte des potiers chinois et coréens du Xème siècle.
Les vases de Decoeur reflètent l’influence majeure des potiers chinois des dynasties Song et Yuan sur sa céramique, façonnant sa vision artistique et philosophique.
Il avait l’habitude de dire : “Ce sont les maîtres !”. À cette époque, un nouvel engouement pour la céramique chinoise ancienne, notamment des périodes Tang, Song et Yuan, émerge. Suite à des fouilles archéologiques en Chine et à la mise en valeur de ces œuvres dans des expositions et collections de musées prestigieux, la poterie chinoise et coréenne influence considérablement l’esthétique des grands céramistes français ainsi que leurs méthodes de travail.
La volonté de maîtriser la céramique à haute température, à l’instar de leurs homologues orientaux, transforme la création de vases en un processus à la fois pratique et intellectuel. Des artistes tels qu’Auguste Delaherche ou Georges Serré mènent alors de nombreuses recherches et expérimentations sur les matériaux, les techniques de cuisson et les réactions au feu. Ces efforts conduisent à plusieurs innovations, notamment dans la méthode de cuisson, l’élaboration de nouvelles argiles et l’expérimentation de glaçures adaptées aux hautes températures.
Émile Decoeur, un éminent maître de la céramique, est largement reconnu et recherché, occupant une place prépondérante dans le domaine des arts décoratifs. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques. En 1942, il est nommé conseiller artistique à la Manufacture de Sèvres, une institution emblématique de la céramique française. Il transmet son savoir-faire notamment à un de ses praticiens les plus doués : Frédéric Kiefer
Doté d’un sens aigu de la perfection dans son art, le maître se montre tout aussi exigeant envers lui-même. Malgré les sollicitations et les tentations, il refuse catégoriquement de collaborer avec l’occupant allemand pendant la période de l’Occupation. Il met ainsi son atelier de Fontenay-aux-Roses en pause, refusant de produire le moindre vase. Sa fermeté morale et son intégrité lui valent un profond respect et une admiration sans réserve.