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L’œuvre d’Emmanuel Fremiet représente un lévrier dans une posture élégante et attentive, capturant avec une précision remarquable la finesse anatomique et l’agilité caractéristique de cette race canine. Le sculpteur met en valeur la souplesse du corps, la tension contenue des muscles et l’expression vive du regard, témoignant de son expertise dans l’observation du monde animal. Le traitement de la texture du pelage, finement ciselé, et l’attention portée aux moindres détails anatomiques confèrent à la sculpture un réalisme saisissant. L’attitude du lévrier, à la fois alerte et gracile, illustre la fascination de Fremiet pour la dynamique et la psychologie animale.
Cette sculpture s’inscrit dans une période où Frémiet se consacre intensivement à l’art animalier. Après des débuts en tant que lithographe scientifique et dessinateur au Jardin des Plantes, il développe une connaissance approfondie de l’anatomie animale, ce qui transparaît dans ses œuvres. Son approche méticuleuse et son souci du détail lui permettent de capturer l’essence et le caractère de chaque animal qu’il sculpte.
Dans ce lévrier, Frémiet met en avant la grâce et l’élégance naturelles de cette race canine. La posture du lévrier, qu’il soit assis ou debout, témoigne d’une observation attentive et d’une compréhension profonde de la morphologie et du comportement de l’animal.
Une autre œuvre de cette artiste, le Crédo, est visible sur notre site.
Emmanuel Frémiet, neveu et élève de François Rude, grandit dans un milieu modeste où il est rapidement confronté à la nécessité de travailler. Son père, graveur de musique, et sa mère, surveillante hospitalière, n’ont pas les moyens de lui offrir une formation aux Beaux-Arts. Il se forme donc au dessin sous la guidance de sa tante Sophie Rude et au modelage auprès de son oncle. À seulement 16 ans, il devient apprenti lithographe auprès du peintre Werner au Muséum d’Histoire Naturelle, où il acquiert une connaissance approfondie de l’anatomie humaine et animale, élément fondamental de son art selon Philippe Fauré-Frémiet. Cette formation forge son approche singulière, s’éloignant du style académique d’Antoine-Louis Barye pour privilégier un naturalisme brut et expressif.
Dès ses débuts, Frémiet s’attache à représenter le monde animal avec une minutie remarquable. Son entrée au Salon de 1843 avec une étude de gazelle marque le début d’une longue carrière consacrée à la sculpture animalière. L’État reconnaît son talent en acquérant son Ours blessé en 1850 pour le musée du Luxembourg, tandis que son Éléphant pris au piège, réalisé pour l’Exposition universelle de 1878, orne aujourd’hui le parvis du musée d’Orsay. Son exploration de la vie sauvage s’accompagne parfois de polémiques, comme en témoigne son Gorille enlevant une négresse (1859), qui choque le public avant d’être revisité en 1887 sous le titre Gorille enlevant une femme. Cette œuvre, qui fut exposée au musée américain d’histoire naturelle de New York, aurait même inspiré le célèbre film King Kong.
Son œuvre s’intéresse aussi à la préhistoire en vogue sous le Second Empire ou à l’histoire et au Moyen Âge et à l’image du chevalier à travers les figures de Louis d’Orléans, sculpté pour le château de Pierrefonds, de la Jeanne d’Arc de la place des Pyramides en 1874, du chevalier errant du musée des Beaux-arts de Lille ou du Credo de 1885 conservé à Orsay.
Conscient de l’importance de la diffusion de son œuvre, il ouvre son propre magasin à Paris en 1855, publie des catalogues de ses sculptures réalisées en bronzes de tailles réduites et participe aux expositions universelles de 1878 et 1900. Ses œuvres connaissent un grand succès public et se vendent très bien en France, en Europe et particulièrement aux États-Unis. Créant un système d’autoproduction, il ébranle la frontière entre l’œuvre unique sculpturale et l’objet d’art reproductible. Exemple éloquent de ce succès, l’engouement pour sa statuette de Saint-Michel produite en 1875 déboucha sur la commande d’une statue monumentale pour couronner la flèche de l’abbaye du Mont-Saint-Michel.
À quinze ans en 1839, Emmanuel Frémiet remporte le premier prix de dessin animalier. Cette prédisposition au sujet de l’artiste se concrétise avec son entrée à seize ans comme apprenti lithographe dans l’atelier du peintre Werner au Muséum d’Histoire Naturelle, spécialisé dans l’anatomie comparée. Là, il reproduit les squelettes, muscles, organes d’animaux de toutes sortes qui lui donnent une connaissance extrêmement poussée de l’anatomie animalière qu’il sera capable de reproduire très finement, donnant littéralement vie à ses créatures de papier puis de bronze. Apprenti chez le sculpteur Rude, il moule au Muséum les corps des animaux qu’il veut sculpter. Philippe Fauré-Frémiet son petit-fils et biographe raconte à ce sujet cette amusante anecdote : “Un soir, il travaillait d’après un lion mort. L’animal encore tiède barrait de son corps la moitié du sol de l’atelier. Frémiet se lève, il a quelqu’objet à prendre en face. Plutôt que de contourner le cadavre, il va l’enjamber – mieux : avec une sorte d’orgueil victorieux, il pose délibérément son pied sur la forte poitrine qui cède et qui s’enfonce. Un rugissement sourd en sort, lugubre et rauque comme un râle. […] En vérité le lion était bien mort, mais ses poumons contenaient encore un peu d’air que le pied dédaigneux de l’artiste avait chassé comme un soufflé.”
Peu à peu, Frémiet s’affranchit du Muséum et rentre de plein pied dans l’art académique avec une Gazelle envoyée au Salon de 1843. Ces animaux de bronze connaissent un succès croissant mais c’est en 1853 lorsqu’il reçoit de l’empereur Napoléon III de représenter en bronze ses bassets : Ravageot et Ravageode que les portes du succès lui sont ouvertes.
En 1862, le catalogue de ses oeuvres en bronze qu’il édite comporte près de 72 modèles animaliers, chiens, bassets, chats, gazelles, renards etc. C’est dans ce contexte qu’apparaît le lévrier. Emmanuel Fremiet, en tant que sculpteur animalier, s’inscrit dans la tradition naturaliste du XIXe siècle, une époque où la représentation fidèle de la faune répondait à un engouement croissant pour les sciences naturelles et l’exploration du monde sauvage. Le lévrier, sujet de cette œuvre, incarne à la fois l’élégance et la fonctionnalité, reflétant l’intérêt de Fremiet pour les animaux de compagnie et leur rôle dans la société. Cette sculpture s’inscrit dans une série d’œuvres où l’artiste cherche à capter non seulement l’apparence extérieure de l’animal, mais aussi son tempérament et son comportement. La précision anatomique, fruit de longues heures d’observation et d’étude, témoigne de son approche scientifique du modelage, influencée par son passage au Muséum. En représentant le lévrier avec autant de subtilité, Fremiet célèbre l’harmonie entre l’homme et l’animal, soulignant leur complicité et leur place dans l’histoire culturelle européenne.
De plus, cette œuvre reflète également l’intérêt de l’époque pour les animaux de compagnie et leur statut dans la société, symbolisant à la fois le prestige et l’affection des propriétaires pour leurs chiens.
Cette sculpture s’insère harmonieusement dans l’ensemble des œuvres animalières de Frémiet. Par exemple, dans “Pan et Oursons”, l’artiste représente un faune jouant avec deux oursons, démontrant sa capacité à capturer des interactions entre différentes espèces avec une sensibilité particulière. De même, ses œuvres telles que “Gorille enlevant une femme” ou “Orang-outang et sauvage de Bornéo” explorent les relations entre l’homme et l’animal, mettant en lumière la force et la sauvagerie de la nature.
Le choix du lévrier n’est pas anodin ; cette race, appréciée pour sa silhouette élancée et sa rapidité, était souvent associée à l’aristocratie et à la chasse. En sculptant le lévrier, Frémiet rend hommage à la noblesse et à la beauté de l’animal, tout en démontrant sa maîtrise technique dans le rendu des textures, comme la finesse du pelage et la musculature sous-jacente.
Faure-Fremiet, P., Fremiet : par Philippe Faure-Fremiet / Philippe Faure-Fremiet. Paris : Plon, 1934
Loyrette, H. (dir.), Allard, S., Des Cars, L., L’art français . [V] . Le XIXe siècle, 1819-1905. Paris : Flammarion, 2006