Ce vase de Jean Pointu est un vase boule en grès à glaçure bleue recouverte de coulures brunes aux teintes marmoréennes. Les coulures feuilletées sur le haut finissent en un élégant pointillisme grisé typique de la couverte dite “en fourrure de lièvre” caractéristique de l’école de Carriès et plus encore du début de l’oeuvre de Jean Pointu à Saint-Amand-en-Puisaye. Le pied est très légèrement surélevé ainsi que le col juste marqué. Le vase est constitué d’une terre blanche très fine et est numéroté et signé sous la base d’un point et d’un U majuscule, jeu de mot formant la signature de Pointu. Cette signature est la troisième de l’artiste après un P entouré d’une fleur et de “Jean .U”, on doit donc dater ce vase d’après 1910.
Les aplats de couleurs sont lisses et francs ce qui est une caractéristique de l’art de Jean Pointu qui l’éloigne quelque peu de son modèle, Jean Carriès, du japonisme et rend sa place au sein de la production de la poterie de Saint-Amand au début du XXe siècle si particulière?
Si l’oeuvre de Pointu se caractérise en ses débuts par des couleurs sombres, mélangées finement et satinées, elles s’éclaircissent à partir de 1910 et prennent des teintes plus franches, plus mat comme le beau bleu de notre vase. Cette oeuvre montre le visage d’un artiste qui prend un chemin qui lui est propre, s’éloignant du strict japonisme mais conservant dans les coulures ses recherches de superpositions riches et harmonieuses d’émaux satinés et délicatement fondus.
L’œuvre de Jean Pointu occupe une place éminente dans l’histoire de la poterie à Saint-Amand-en-Puisaye, dans la Nièvre, un centre de production de grès depuis le XIVe siècle. Cette localité a gagné en renommée dès le XVIIIe siècle grâce à la qualité exceptionnelle de ses argiles. Cependant, c’est au XIXe siècle que son influence s’est véritablement étendue, notamment grâce à des figures telles que Jean Carriès, un sculpteur qui, émerveillé par les grès japonais, décida de s’y consacrer et de s’installer à Saint-Amand.
Jean Pointu, fait partie intégrante de cette riche tradition artistique. Son atelier se distingue par la sélection minutieuse de la terre utilisée et la recherche d’une certaine perfection technique. Contrairement à d’autres artistes de l’école de Carriès, qui embrassaient parfois l’imprévu et la fantaisie dans leur création, Jean Pointu privilégiait une approche plus rigoureuse et contrôlée.
Les grès produits par l’atelier de Jean Pointu se caractérisent par leur robustesse et leur imperméabilité remarquables, même sans couverture, grâce à la vitrification de l’argile à haute teneur en silice, cuite à des températures élevées. Cette technique s’inspire des grès chinois de l’époque Song, notamment les céladons, dont la réputation s’est répandue au Japon grâce à l’essor de la cérémonie du Thé.
Jean Pointu (1843-1925) est une figure emblématique de l’essor de l’art céramique français à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Son travail novateur dans le domaine du grès japonisant a marqué une rupture significative avec les traditions académiques de son époque, contribuant ainsi à ouvrir de nouvelles perspectives dans le monde de l’art.
Né en 1843 dans le Puy de Dôme, Jean Pointu a fait son apprentissage de la céramique à Nevers avant de s’installer à compte à Fontainebleau en 1879 avec le rachat d’une fabrique de céramique commerciale avec laquelle il produit des vases inspirés des barbotines de Montigny-sur-Loing. C’est en 1906, à 63 ans qu’il décide de s’installer à Saint-Amand-en-Puisaye, attiré par le foisonnement artistique qui y régnait depuis l’installation de Jean Carriès et à la suite de nombreux potiers suivant son modèle, pour entamer une nouvelle carrière artistique et se livrer enfin à sa passion dévorante pour le grès et la céramique de grand feu. D’abord locataire de l’atelier fondé par Lucien Brisdoux en 1904 avec qui il collabora dans un premier temps, il fonda son propre atelier à Saint-Amand et engagea des tourneurs, anseurs et ouvriers ayant travaillé avec les tenants de l’école de Carriès et étant donc au fait de l’exigence de ces artistes. L’oeuvre de Pointu se caractérise par un soin à la recherche de terres les plus blanches, une volonté de maîtrise du résultat, éloignée en cela de l’intérêt pour l’imprévu du reste de l’école de Carriès, des émaux satinés qui se fondent harmonieusement dans un premier temps, puis des couleurs plus vives et mates que reprendra son fils, Léon Pointu qui travaille avec lui dans son atelier et en prendra la suite. C’est d’ailleurs son fils qui organisera des expositions rétrospectives de l’art de Jean Pointu à Paris qui auront un certain succès dans les années 1910-1920.
À ce titre, Jean Pointu a exposé au Salon d’Automne et à la Société des Artistes Français dans les années 1910 puis au musée Galliera en 1911. Son fils organisa une retrospective concernée à son oeuvre lors du Salon de 1928.
À la fin des années 1910, Jean Pointu laisse de plus en plus de liberté à son fils dans son atelier qui finit par le remplacer à son retrait en 1921 quatre ans avant sa mort en 1925.
Jean Pointu a émergé sur la scène artistique à un moment où l’influence de l’art japonais, notamment à travers les expositions universelles, commençait à se faire sentir en Europe. C’est dans ce contexte de bouleversement culturel et esthétique qu’il a développé son intérêt pour le grès, un matériau jusqu’alors associé aux poteries rurales françaises.
L’œuvre de Jean Pointu se distingue par sa recherche constante d’harmonie entre la vie quotidienne et l’art, inspirée des principes du chadō, la cérémonie du thé japonaise. Son style est marqué par une grande maîtrise technique et une utilisation audacieuse des émaux et des coulures, qui confèrent à ses pièces une esthétique à la fois simple et sophistiquée.
L’atelier Pointu, fondé par Jean Pointu à Saint-Amand-en-Puisaye en 1906, est rapidement devenu un centre d’innovation dans le domaine de la céramique. Aux côtés de son fils Léon, Jean Pointu a développé une approche artistique unique, combinant les techniques traditionnelles du grès avec des influences japonaises et une sensibilité moderne.
La céramique de Léon Pointu s’inscrit dans l’école de Carriès qui s’est installée à la suite de Jean Carriès à Saint-Amand-en-Puisaye, centre de production de grès depuis le Moyen Âge.
Son fondateur, Jean Carriès (1855-1894) l’avait choisi pour la qualité de ses terres et de ses artisans potiers auprès desquels il apprit le métier du grès. Sculpteur doué et portraitiste renommé et triomphant du Paris des années 1870-80, il avait décidé de rompre avec la sculpture pourtant au sommet de son art en 1878 en visitant l’exposition universelle de Paris, après avoir assisté à une cérémonie du thé. Subjugué par la beauté, la pureté et la profondeur spirituelle des ustensiles en grès japonais il décida de consacrer sa vie au grès ce « mâle de la porcelaine ». La présentation de collections japonaises comme celle d’Emile Guimet lors de l’Exposition universelle de Paris en 1878 a beaucoup fait pour la diffusion de l’esthétique japonaise dans l’art français et particulièrement dans les arts décoratifs comme la céramique. Codifiée au XVIème siècle par Sen no Rikyu, la cérémonie du thé concentre l’essence d’une esthétique japonaise ritualisée à la recherche de la perfection qui fascina les artistes de la fin du XIXème siècle par son rapport à la nature et son acceptation de l’intervention de celle-ci dans la création artistique. Carriès y adjoignit des références symbolistes à la nature dans la création d’un bestiaire fantastique en grès quand Jean Pointu s’intéressa plus à la puissance évocatrice des superpositions d’émail mat comme dans sa création d’une glaçure fourrure de lièvre d’une grande suavité. L’emploi de l’or, des coulures, des émaux mats eurent une grande importance dans la création d’une esthétique art nouveau puis art déco au sein des arts décoratifs. Mais l’influence du Japon fut également déterminante dans la conception d’un artiste-artisan et d’un art total tel qu’il émergea au tournant du siècle.
P. Monjaret & M. Ducret, L’école de Carriès, l’art céramique à Saint-Amand-en-Puisaye 1888-1940, Paris, Les éditions de l’amateur, 1997
http://www.grespuisaye.fr/index.html