Julien Le Blant

Cavalcade d’artillerie durant la Grande Guerre – Julien Le Blant

Julien Le Blant

Canon tracté par des chevaux sous les obus

Date : 1917-1918

Dimensions : H : 40 cm ; L : 76 cm à vue

Lieu de production : Front de l'Aisne ou de l'Oise

Matériau : Dessin au fusain, lavis et aquarelle

État : Bon état - restauré - encadré

Références : musée de l'Armée, Paris, musée de la Marine, musées de Province, musées aux USA

Conditions : Disponible

2 500 

Description

de l'oeuvre

Dessin de Julien le Blanc représentant un équipage d'artillerie montée d'un canon 75 galopant sous les obus sur le front durant la Première Guerre Mondiale

Julien Le Blant, célèbre pour ses peintures historiques, explore dans ce dessin la brutalité et la frénésie des champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Réalisée au fusain, au lavis et rehaussée d’aquarelle, l’œuvre capture un moment intense : un attelage de canon de 75 mm tiré par des chevaux lancés au galop, sous un ciel oppressant où fumées et nuages d’explosions se confondent. La scène, d’une puissance évocatrice rare, plonge le spectateur dans le chaos et l’urgence d’une manœuvre militaire.

La composition est dominée par une diagonale dynamique qui traverse l’image, guidée par les chevaux et les soldats. Ce choix crée une tension palpable et insuffle un mouvement frénétique à l’ensemble. Les chevaux, au cœur de la scène, incarnent la force brute et la fragilité, leurs muscles tendus et leurs postures désordonnées traduisant à la fois puissance et épuisement. En retrait, le canon, pivot discret mais significatif, rappelle l’importance stratégique de l’artillerie française durant le conflit, tout en mettant en lumière l’effort collectif qui l’anime.

Les matières et les techniques confèrent une force remarquable à l’œuvre. Le fusain et le lavis, avec leurs traits bruts et énergiques, imposent une base graphique solide, tandis que les touches d’aquarelle apportent de subtiles nuances de couleurs terreuses – ocres, bruns et gris – qui traduisent la désolation du paysage. Les arbres squelettiques du décor, érigés tels des fantômes dans la fumée, renforcent cette impression de no man’s land où la vie semble suspendue, fragile. La lumière diffuse, presque irréelle, contraste avec les ombres profondes du sol, créant une atmosphère oppressante et hantée par la destruction.

Le dessin se distingue par son dynamisme et son rythme frénétique. Les rênes ondulantes, les traits rapides et les roues à peine esquissées traduisent une urgence désordonnée, propre à la guerre. Cette énergie est renforcée par un travail subtil sur les ombres et la lumière, où les éclats sur les casques et les harnais semblent scintiller dans un univers grisâtre. Plus qu’un simple instantané de bataille, l’œuvre devient un hommage implicite aux chevaux et aux hommes, symboles d’endurance et de sacrifice.

Au-delà de son impact visuel, le dessin de Le Blant possède une profondeur historique et symbolique. Dans un geste qui diffère de ses peintures historiques aux mises en scène grandioses, l’artiste privilégie ici une approche réaliste, presque documentaire. L’usage du fusain et du lavis évoque une esquisse prise sur le vif, témoignant d’une volonté de capturer l’instant avec authenticité. La tension entre héroïsme et tragédie se manifeste dans chaque détail, du regard effaré des chevaux aux éclats menaçants d’un ciel chargé. Le message est clair : derrière les exploits, la guerre est un théâtre de chaos où se mêlent bravoure et vulnérabilité.

Cette œuvre poignante transcende la simple représentation d’un fait militaire pour offrir une réflexion intime sur la condition humaine en temps de guerre. En saisissant le chaos et l’effort collectif, Julien Le Blant célèbre la résilience, tout en laissant entrevoir la fragilité inhérente à l’homme et à l’animal face à une force destructrice implacable. Avec ce dessin, l’artiste ne se contente pas de raconter l’Histoire : il en révèle l’âme.

Paris (France) 1851 - Paris (France) 1936

Julien Le Blant, né le 30 mars 1851 à Paris et décédé dans la même ville le 28 février 1936, est une figure marquante de la peinture d’histoire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Autodidacte, il s’impose comme un spécialiste des scènes militaires, en particulier celles des guerres de Vendée et de la Première Guerre mondiale.

Les débuts : un talent précoce et une passion pour l’histoire

Issu d’une famille érudite, Julien Le Blant est le fils d’Edmond-Frédéric Le Blant, directeur de l’École française de Rome et spécialiste des premiers temps de la chrétienté. Sa passion pour le dessin, encouragée par son père, le détourne d’une carrière d’architecte qu’il entame sans enthousiasme. Après un bref apprentissage auprès d’Ernest Girard, élève d’Ingres, Le Blant choisit la voie de la peinture.

Son engagement dans les francs-tireurs lors de la guerre franco-allemande de 1870 marque durablement sa sensibilité artistique. Ces expériences influencent ses premières œuvres, où se mêlent réalisme et héroïsme. En 1874, il débute au Salon avec L’Assassinat de Lepeletier Saint-Fargeau, œuvre immédiatement remarquée. Il gravit rapidement les échelons, remportant plusieurs distinctions, dont une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1889 pour Le Bataillon carré.

Le “peintre des Chouans”

Le Blant s’impose rapidement comme le “peintre des Chouans”, illustrant avec intensité les guerres de Vendée, un épisode souvent occulté de l’histoire française. À travers des œuvres telles que La Mort du général d’Elbée (1878) ou L’Exécution du général Charette (1883), il immortalise les héros et les tragédies de ce conflit fratricide. Ses tableaux, d’un réalisme saisissant, témoignent d’un regard d’historien et d’un talent rare pour rendre la profondeur psychologique de ses personnages.

Ses œuvres, systématiquement achetées par l’État ou des collectionneurs privés, participent à de grandes expositions internationales. En 1893, il représente la France à l’Exposition universelle de Chicago avec Le Retour du Régiment, une scène vibrante mêlant humour et sensibilité, saluée pour son humanité.

Julien Le Blant, le bataillon carré affaire de Fougère 1793

Un témoin de la Grande Guerre

Quand éclate la Première Guerre mondiale en 1914, Le Blant, âgé de 63 ans, ne peut rejoindre le front. Il s’installe à Paris et documente la vie des soldats en permission dans les quartiers de la Gare de l’Est et du Faubourg Saint-Martin. Avec une précision et une rapidité impressionnantes, il croque des scènes du quotidien : poilus fatigués, familles éplorées, et mutilés arborant fièrement leurs médailles. Ces dessins témoignent d’une humanité profonde, loin de tout héroïsme convenu.

En 1917, il intègre la 8e mission d’artistes aux armées et se rend dans les zones proches du front. De ces expériences naissent des croquis poignants, comme ceux réalisés à Soissons et Soupir, où il capture l’angoisse des bombardements et la résilience des soldats. Ces œuvres, souvent gravées par ses soins, révèlent un artiste au sommet de son art, combinant précision technique et empathie.

Un héritage oublié

Après la guerre, Le Blant expose ses travaux en 1919, mais le public, lassé des récits guerriers, ne répond pas à l’appel. Profondément déçu, il cesse d’exposer, se consacrant à l’illustration et à la gravure. Ses scènes de bataille, notamment celles du conflit mondial, marquent une évolution dans son style : plus impressionniste, elles mettent en avant le chaos des champs de bataille, comme en témoigne l’œuvre décrivant un attelage de canon de 75 galopant sous les explosions, symbole de la bravoure et de la désolation de la Grande Guerre.

Julien Le Blant s’éteint dans l’oubli en 1936, laissant derrière lui une œuvre immense : plusieurs centaines de tableaux, dessins, et gravures, ainsi que plus de 1 000 illustrations pour des ouvrages majeurs. Sa capacité à humaniser les événements historiques et à immortaliser les héros ordinaires fait de lui un témoin précieux de son époque, et un artiste dont le talent mérite d’être redécouvert.

L'oeuvre

dans son contexte

La Première Guerre mondiale marque un tournant dans l’histoire de l’art, confrontant les artistes à la modernité brutale et mécanique du conflit. En 1914, alors que des avant-gardes comme le cubisme, le futurisme ou l’expressionnisme redéfinissent la représentation du réel, la guerre impose de nouveaux défis esthétiques et moraux. Si les peintres académiques continuent de célébrer des moments glorieux ou allégoriques, les avant-gardistes, souvent au front, cherchent à traduire l’horreur et le chaos par des formes novatrices.

Au début du conflit, de nombreux artistes sont mobilisés ou missionnés par les autorités pour documenter la guerre. Des peintres comme Joseph-Félix Bouchor ou Joseph Aubert créent des œuvres exaltant le patriotisme, parfois avec une portée symbolique forte. Cependant, ces représentations classiques peinent à capturer la réalité d’une guerre rapide, destructrice et déshumanisée. Face à cette impossibilité de représenter les combats dans leur globalité, des artistes se tournent vers des scènes de vie quotidienne ou l’évocation des impressions laissées par le conflit.

Julien Le Blant, connu pour ses peintures historiques, s’inscrit dans cette transition. Trop âgé pour être mobilisé dès 1914, il observe d’abord la guerre depuis l’arrière, croquant des soldats en permission à la gare de l’Est. En 1917-1918, il se rend enfin sur le front en Picardie, d’où il rapporte une série de dessins et lavis saisissants. L’un des plus marquants est celui représentant une cavalcade d’artillerie : un attelage de canon de 75 mm tiré par des chevaux galopant sous un ciel assombri par les fumées. Ce dessin, réalisé au fusain, lavis et aquarelle, capture l’énergie frénétique et le chaos du champ de bataille. Les chevaux, tendus par l’effort, semblent à la fois héroïques et vulnérables, symbolisant la tension entre bravoure et tragédie. Le Blant mêle précision et dynamisme dans une œuvre qui traduit la vitesse, le bruit et la fureur du conflit.

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D’autres artistes avant-gardistes, comme Fernand Léger ou Félix Vallotton, explorent des approches abstraites pour représenter l’indicible. Les formes fragmentées et les paysages bouleversés par les bombardements trouvent écho dans les principes cubistes, tandis que les expressionnistes, comme Otto Dix, expriment la cruauté de la guerre par des visions glaçantes. En parallèle, des innovations comme le camouflage, inventé par des peintres français inspirés des techniques cubistes, illustrent comment l’art se met directement au service de l’effort de guerre.

Ainsi, la Première Guerre mondiale redéfinit profondément la fonction de l’art, transformant la représentation des conflits en une quête d’impressions, de symboles et d’émotions, à la fois personnelles et universelles. L’œuvre de Julien Le Blant, ancrée dans ce contexte, témoigne de l’aptitude de l’artiste à traduire les réalités humaines et matérielles de la guerre, mêlant mémoire, technique et puissance évocatrice.

Julien Le Blant - Julien Leveugle, lithographe à Roubaix, 1919

sources

Formaz, D. – site dédié à Julien Le Blant – https://leblant.com/

  • Le déjeuner de l’équipage – musée de la Marine
  • aquarelles de Soldats – musée de l’Armée
  • La mort du Général d’Elbée – musée de Noirmoutier
  • Le bataillon carré – Brigham Young University Provo/Utah – USA
  • Le combat de la Fère Champenoise – Musée des Beaux-Arts de Troyes

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