Matisse au Cateau-Cambrésis

Regarder une chose comme si nous ne l’avions jamais vu auparavant demande beaucoup de courage

disait Henri Matisse, c’est pourtant ce qu’a résolu de faire le département du Nord et l’équipe du musée Matisse du Cateau-Cambrésis pour repenser totalement la conception et le parcours de celui-ci au terme de deux ans de travaux et d’extension. À l’image de l’artiste, le plus célèbre des catésiens, le musée est allé chercher l’espace, la lumière pour mieux présenter sa très riche collection et s’ancrer plus encore dans le terroir qui a vu naître le célèbre fondateur du fauvisme.

Matisse, enfant du nord et du textile

Car c’est bien au Cateau-Cambrésis qu’est né Henri Matisse, dans une maison disparue de ce qui est aujourd’hui la rue de la République. Il est issu d’une vieille famille catésienne de mulquiniers, ces tisserands indépendants du Cambrésis qui produisaient et vendaient de fines toiles de lin. Né d’une famille de tisserands, dans une ville dont la fortune s’était faite avec le textile, ayant étudié le dessin à l’école Quentin de la Tour de Saint-Quentin qui formait au dessin textile, Matisse aura toute sa vie une attention toute particulière pour les tissus, leurs matières, leurs couleurs. Cette passion éclate dans la toile intitulée Deux jeunes filles, robe jaune, robe écossaise qui semble centré sur les robes, leurs couleurs éclatantes se mêlant dans une pyramide chatoyante. Les collections du musée en témoignent et l’agrandissement permettra de mieux mettre en valeur la riche collection de tissus du musée. S’il fréquenta beaucoup la maison de sa grand-mère que l’on peut toujours voir au 45 rue de la République, c’est à Bohain-en-Vermandois à une quinzaine de kilomètres au sud du Cateau qu’il passa ses vingt premières années avant de s’envoler toujours plus loin vers Paris, Ajaccio, Collioure, Tahiti, Nice à la recherche de lumières et de couleurs nouvelles.

On peut toujours visiter la maison de la famille Matisse à Bohain. Surmontant la graineterie Aux graines d’élite de son père, l’aménagement permet de se plonger dans l’univers d’enfance du peintre. À l’instar des plages de Collioures ou des cieux de Tahiti, l’Oise et ses canaux du nord de l’Aisne ont été des sujets essentiels des années d’élaboration du style de l’artiste. Le musée Matisse en conserve des témoignages éclatants comme ce bord de canal près de Bohain de 1903 ou cette vue de Lesquielles-Saint-Germain près de Guise où l’artiste résida en 1903 sur les bords bucoliques de l’Oise serpentant paresseusement sous les saules pleureurs au milieu des champs.

Une collection léguée par Matisse lui-même

Mais le grand retour du peintre dans sa ville natale se fit au soir de sa vie. Dès la fin de la guerre un certain nombre de catésiens forment le projet de consacrer un musée à l’enfant du pays qu’ils vont rencontrer à Nice. Touché, l’artiste cède 82 œuvres majeures pour former le fonds d’un musée qui s’installe en 1952 dans le salon d’honneur de la mairie renaissance construite à partir de 1533, dans la salle même qui avait accueilli le mariage des parents du peintre. Celui-ci bien que malade et incapable de se déplacer tint à superviser les plans de l’accrochage par l’intermédiaire de Lydia Delectorskaya sa secrétaire et modèle de prédilection. Mes concitoyens du Cateau, que j’ai quittés si vite pour aller où ma destinée m’a conduit, ont voulu honorer ma vie de travail par la création de ce musée (…), écrit-il à l’occasion de l’inauguration du musée.
J’ai compris que tout le labeur acharné de ma vie était pour la grande famille humaine, à laquelle devait être révélée un peu de la fraîche beauté du monde par mon intermédiaire. Je n’aurai donc été qu’un médium.
Et c’est cette feuille de route que suit le musée aujourd’hui qui s’est installé en 1982 dans le palais Fenelon, ancien palais des archevêques de Cambrai reconstruit vers 1770 par Alexandre-Théodore Brogniart grand architecte néoclassique auteur de la Bourse de Paris. L’ordonnance classique est rehaussée par sa façade en rouge-barres, cette alternance de rangs de briques rouges et de pierres blanche, typique de la région. C’est déjà un écho à l’art de Matisse qui proclamait que si un ton seul n’est qu’une couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie.

Le musée Matisse de Cateau-Cambrésis se réinvente

Le musée présente un large panel d’œuvres de l’artiste qui couvrent toute sa vie, tous les arts qu’il a pratiqués : du dessin à la sculpture, de la gouache au vitrail. Riche de plus 750 peintures, sculptures et dessins du plus célèbre des catésiens, le musée s’est enrichit au fil des donations, de la famille de l’artiste, d’Auguste Herbin, grand maître de l’abstraction également originaire du Cateau, de la donation Tériade, véritable trésor dont on peut admirer la salle à manger conçue et décorée par Matisse mais aussi par plus de 400 œuvres acquises ses vingt dernières années. Trop à l’étroit dans les murs du palais Fénelon, la richesse des collections avait rendu indispensable une extension du musée. C’est chose faite avec les travaux qui ont étendu les espaces d’accueil et d’exposition de plus de 1000m2 sur trois niveaux au sein de l’ancien marché couvert dont la façade XIXe a été conservée. Le rez-de-chaussée bas accueille groupes et ateliers, le rez-de-chaussée haut présente après le hall d’accueil, les salles des premières années de l’artiste, le cabinet des dessins, quand l’étage présente les dos sculptés, les papiers découpés et la suite du parcours d’exposition. Tout cela permet un parcours d’exposition optimisé, plus attrayant et ouvert sur la ville et le très beau parc du palais Fénelon conçu par Le Nôtre où il fait bon se promener à l’ombre des grands arbres et où comme le disait Matisse Il y a des fleurs partout pour qui veut les voir. 

Salle à manger Teriade de la villa Natacha à Saint-Jean-Cap-Ferrat reconstituée au Musée Matisse de Cateau-Cambresis.

oeuvres en relation dans les collections de la Galerie Theophanos

Tête de profil – Dessin – Amedeo Modigliani

Pol Bury – “disques éclatés” – Sérigraphie

Auteur : Pol Bury

Époque : vers 1970-1980