En 1907, Charles Malfray entra à l’École des beaux-arts de Paris. Il enrichit son apprentissage académique par une pratique assidue du dessin, capturant des moments spontanés lors de ses balades le long des quais de la Seine. Dès lors, une volonté farouche de rompre avec l’académisme se manifesta en lui. Participant à de nombreux concours jusqu’en 1914, Malfray fut mobilisé cette année-là dans l’artillerie. Les années de guerre furent particulièrement éprouvantes pour lui ; exposé à plusieurs reprises aux gaz lors des terribles batailles au Chemin des Dames, sa santé en fut grandement affectée.
Après plusieurs tentatives infructueuses avant la guerre, Charles Malfray remporta le deuxième prix de Rome en 1920 pour son œuvre “La Maternité“, qui fut par la suite acquise par l’État. Par la suite, il traversa une période difficile jusqu’au décès de sa mère en 1935, confronté à des problèmes personnels et des difficultés financières. La maladie mentale de son frère, décédé en 1932, ainsi que la réalisation des monuments aux morts pour les villes de Pithiviers et d’Orléans, objet d’une bataille esthétique, le plongèrent dans une détresse morale et financière. La presse, les associations et les autorités locales, restant hermétiques au style novateur du sculpteur, ne cessèrent de critiquer violemment le travail de Charles Malfray.
La sculpture de Charles Malfray se caractérise par sa puissance et sa massivité. Se détachant rapidement de l’académisme, il s’est inspiré de l’art roman, qu’il admirait et considérait comme authentique, ainsi que de l’art khmer, dont il a puisé une anatomie musclée. En rompant avec les conventions académiques de son époque, Malfray, en revenant à une statuaire ancestrale, authentique et sincère, se percevait comme authentiquement moderne.
Selon ses propres mots : « L’art moderne comme vous le dites, n’est que la recherche exacte de la véritable tradition dans la statuaire, tradition que nous avons perdue depuis le XVe siècle. » – Notes, Charles Malfray.
Les oevres sculpturales d’Amedeo Modigliani s’inspire également de l’art Khmer.
Il est remarquable de constater que le sculpteur Charles Malfray, dans son processus de création, demeure totalement aligné avec les principes qui guident son œuvre et sa vision de la sculpture, qui revêt un caractère nettement architectural. Comme il le souligne dans ses notes, « L’architecture dans la sculpture… autrement dit ce qui seul compte dans la sculpture… Tout le reste n’est rien… ». Pour Malfray, l’architecture représente la maîtrise des forces qui gouvernent la matière dans une quête d’élévation. Cela s’accorde parfaitement avec son approche de la sculpture, qui privilégie la puissance et la solidité, tout en s’inspirant des structures architecturales pour créer des œuvres qui s’imposent par leur force et leur présence.
Admiré et soutenu par ses pairs, Charles Malfray bénéficia d’un fervent plaidoyer de la part des grands sculpteurs de son époque tels que Charles Despiau, Antoine Bourdelle ou Robert Wlerick, ainsi que de critiques d’art éminents comme André Warnod, Louis Vauxcelles ou Charles Kunstler. Avec le soutien de ses amis, notamment de Maillol, Malfray eut l’opportunité d’enseigner la sculpture et le dessin à l’Académie Ranson, ce qui lui assura un revenu modeste pour subsister.
À partir de 1935, plusieurs expositions et commandes de l’État stimulèrent Charles Malfray, lui offrant un nouvel élan qui se renforça jusqu’en 1939. Cette année-là, il participa à l’exposition “Un siècle de sculpture française” à Amsterdam, aux côtés de Rude, Carpeaux, Rodin, Despiau et Maillol.
Charles Malfray trouva une fin subite à Dijon en 1940. Ce n’est qu’après sa disparition que, lors d’expositions et de rétrospectives dans les années 50, il fut reconnu, aux côtés de Rodin, Bourdelle ou Maillol, comme l’une des grandes figures de la sculpture du XXe siècle. Un nombre important de sculpteurs figuratifs, notamment le groupe des Neuf (composé de Jean Carton, Raymond Corbin, Paul Cornet, Marcel Damboise, Léon Indenbaum, Léopold Kretz, Gunnar Nilsson, Jean Osouf et Raymond Martin), s’attelèrent à perpétuer sa mémoire.